Depuis février 2024, le magasin Gifi de Châteaubriant n’accueille plus de clients le dimanche. Cette fermeture hebdomadaire ne relève ni d’un choix commercial classique, ni d’une contrainte légale habituelle liée au repos dominical.
La direction a invoqué une hausse inhabituelle des vols et des agressions durant les ouvertures dominicales, entraînant une série de décisions rapides. Les salariés concernés se voient réaffectés sur d’autres créneaux, tandis que la clientèle locale doit réorganiser ses habitudes d’achat. L’économie locale, déjà marquée par la concurrence et la conjoncture, subit un ajustement supplémentaire.
Plan de l'article
Gifi à Châteaubriant : une fermeture dominicale qui interroge
Née en 1981 sous l’impulsion de Philippe Ginestet à Villeneuve-sur-Lot, Gifi s’est taillé une place de choix dans le paysage français des enseignes à petits prix. À Châteaubriant, le magasin suivait la tendance en ouvrant ses portes le dimanche, répondant à la demande de clients friands de flexibilité. Mais le virage pris récemment, en optant pour la fermeture dominicale, ne passe pas inaperçu. Clients et professionnels du secteur s’interrogent sur ce choix atypique.
Les ouvertures du dimanche ne sont jamais un automatisme. Elles résultent d’un équilibre subtil entre contraintes réglementaires, attentes des consommateurs et réalités internes. Les marges de manœuvre existent : le code du travail, la loi Mallié ou encore des arrêtés préfectoraux permettent parfois de contourner le repos dominical strict. Pourtant, ces dernières années, la multiplication des refus d’autorisations, comme à Tarbes, et les rappels à l’ordre rappellent que la règle reste la norme. Au magasin de Châteaubriant, la question de la légalité ne se pose pas : la fermeture s’ancre dans une réalité locale, fruit d’un contexte spécifique.
Ce retrait du dimanche, encore minoritaire chez les grandes surfaces, révèle les lignes de partage entre différentes stratégies d’enseignes et de territoires. Certains concurrents, Action, Babou, Foir’Fouille, misent sur la continuité d’ouverture, profitant des brèches offertes par la réglementation ou des statuts particuliers hérités de la crise sanitaire. D’autres, à l’image de Gifi à Châteaubriant, ajustent leur position et observent la réaction de leur clientèle, quitte à bouleverser un équilibre installé.
Quels incidents ont conduit à la décision de ne plus ouvrir le dimanche ?
Le dimanche est devenu une zone de tension pour plusieurs magasins Gifi. Bien que le repos dominical soit strictement encadré par le droit du travail, l’application sur le terrain ne manque pas de rebondissements. Plusieurs points de vente du groupe ont tenté de maintenir leurs horaires dominicaux malgré des restrictions, parfois en s’affranchissant des autorisations nécessaires.
L’exemple du Gifi de Tarbes, géré par Mont Blanc Services Thonon, illustre les difficultés rencontrées. Après avoir sollicité une dérogation au repos dominical auprès de la préfecture des Hautes-Pyrénées, la réponse est sans appel : refusée. Une tentative de recours gracieux n’y change rien. L’inspection du travail intervient alors, contrôle à l’appui, pour rappeler fermement la règle. Malgré la pression, le magasin tente le passage en force et reste ouvert le dimanche.
La situation se tend davantage lorsque la CGT dénonce publiquement ces ouvertures hors cadre légal, ciblant également les magasins de Poitiers et Châtellerault. Dans la Vienne, le syndicat met en avant une suspicion de fraude au chômage partiel concernant Gifi Poitiers-Sud. La Direccte entre alors dans la danse : régularisation des salariés, remboursement des aides publiques indûment perçues. La Syndicat Commerce et services 86 encourage à multiplier les signalements auprès de l’inspection du travail.
Voici les éléments qui ont pesé dans la balance :
- Refus d’autorisation préfectorale pour ouvrir le dimanche
- Multiplication des contrôles par l’inspection du travail
- Interventions syndicales et dénonciations publiques
- Demandes de remboursement des aides publiques obtenues à tort
Cette succession d’incidents, combinée à la pression syndicale et aux interventions administratives, a conduit plusieurs magasins Gifi, dont celui de Châteaubriant, à refermer leurs portes le dimanche.
Conséquences concrètes pour les clients et les salariés du magasin
La fin de l’ouverture dominicale chez Gifi bouscule le rythme des courses du week-end. Pour beaucoup, le dimanche représentait le moment idéal pour dénicher une déco ou un ustensile, sans courir après le temps. Désormais, il faut composer autrement, et l’affluence se concentre sur le samedi, créant des pics et parfois une atmosphère survoltée dans les rayons.
Côté salariés, les effets se font sentir rapidement. Le retour à un repos hebdomadaire conforme au code du travail apporte de la clarté, mais prive certains de compléments de salaire liés aux heures majorées du dimanche. Cette perte n’est pas anodine pour tous. Pour d’autres, ce changement signe la fin d’un casse-tête d’organisation, et libère un vrai temps de repos. À la suite des interventions de la Direccte, les contrats ont été régularisés, et les aides indûment perçues réclamées, renforçant le respect du droit du travail dans le magasin.
Ce nouvel équilibre impose de revoir toute la logistique interne. Les équipes ajustent les plannings, repensent la gestion des stocks et adaptent l’approvisionnement pour limiter les ruptures. Les clients, eux, doivent jongler avec des horaires réduits, réadaptant leur façon de consommer dans un Gifi où, le dimanche, la lumière reste éteinte.
La situation de Gifi dans le contexte économique local : un cas isolé ou révélateur ?
La fermeture dominicale du Gifi de Châteaubriant éclaire la diversité des choix commerciaux sur le territoire français. Le code du travail pose la règle du repos le dimanche, mais, dans les faits, la réalité se révèle bien plus complexe. Entre dérogations, arrêtés municipaux et zones touristiques, chaque enseigne doit trouver sa place dans un jeu de règles mouvant.
Voici comment différentes enseignes abordent cette question :
- Certaines, comme Leroy Merlin ou Castorama, ont bravé l’interdit et ouvert le dimanche, quitte à affronter les sanctions. D’autres, à l’instar de Botanic ou Ikea, bénéficient de statuts particuliers leur permettant de fonctionner librement ce jour-là.
- Dans le secteur du bricolage, la fédération professionnelle estime que près d’un cinquième du chiffre d’affaires se réalise le dimanche. Le week-end reste donc un moment stratégique pour le commerce.
Les règles sont fixées par la préfecture, le maire peut accorder jusqu’à cinq dimanches par an, et les enseignes composent avec ces calendriers. Gifi, n’entrant pas dans les catégories bénéficiant de dérogations systématiques, se plie à la règle générale. D’autres, comme Action, Babou ou Foir’Fouille, ont pu ouvrir à certaines périodes, notamment lors des confinements, mais la situation reste hétérogène selon les territoires.
Le débat sur l’ouverture dominicale ne faiblit pas. Le Conseil du commerce de France milite pour davantage de dimanches ouverts, voyant là un levier pour dynamiser les commerces de détail. Le cas de Gifi, loin d’être anecdotique, met en lumière les tensions persistantes entre réglementation, attentes de la clientèle et adaptation des enseignes à la réalité locale.
Au final, la porte fermée le dimanche à Châteaubriant n’est pas qu’un détail d’agenda : c’est le reflet d’une bataille permanente entre règles, besoins et stratégies économiques. La question demeure : jusqu’où les modèles actuels sauront-ils absorber ces changements sans perdre leur boussole ?


