En 2023, le PDG moyen d’une grande entreprise cotée au Canada a gagné 243 fois le salaire annuel moyen d’un travailleur canadien. Cette disproportion, largement documentée, s’accentue chaque année, malgré les débats sur la justice salariale et les efforts de régulation.La concentration de ces rémunérations record s’observe surtout dans les secteurs de la finance, de l’énergie et des technologies, où bonus et incitations à long terme représentent la majeure partie des gains. Les écarts persistent alors que les salaires des employés progressent faiblement, attisant critiques et propositions de plafonnement émanant de la société civile et du monde politique.
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Le salaire des PDG au Canada : chiffres clés et tendances récentes
Les données parlent d’elles-mêmes : en 2023, les dirigeants des grandes entreprises cotées au Canada ont franchi un nouveau cap, avec une rémunération moyenne qui dépasse désormais les 14 millions de dollars par an, selon le Centre canadien de politiques alternatives. Un chiffre qui laisse songeur, surtout quand on le compare au revenu annuel du salarié canadien, qui, d’après Statistique Canada, frôle tout juste les 60 000 dollars.
Côté québécois, la dynamique ne diffère guère. L’Observatoire québécois des inégalités confirme que les PDG de grandes sociétés de la province atteignent des niveaux de rémunération avoisinant les 9 millions de dollars, voire davantage. À ce stade, la composition du package prend toute son importance. Voici les principaux éléments qui structurent ces sommes monumentales :
- Un salaire de base généralement minoritaire,
- Des bonus annuels qui font grimper l’addition,
- Des actions et options attribuées, conçues pour fidéliser à long terme,
- Des régimes de retraite personnalisés, taillés spécifiquement pour chaque dirigeant.
Le poste de président-chef de la direction se distingue ainsi par l’importance de la rémunération différée : une hausse du cours de l’action suffit souvent à faire décoller la rémunération globale. Les conseils d’administration justifient ces montants en invoquant la concurrence internationale et la nécessité d’attirer les profils les plus recherchés. Mais la contestation prend de l’ampleur. À mesure que les rémunérations s’envolent, les appels à plus de transparence, à un contrôle renforcé ou à une fiscalisation plus stricte des rémunérations millionnaires se multiplient. Le débat gagne du terrain, tant sur la scène politique à Ottawa et à Québec, que dans la société civile, bien décidée à se faire entendre.
Pourquoi de tels écarts avec le salaire moyen des travailleurs ?
La question se pose : comment expliquer cet écart qui se creuse entre les rémunérations des hauts dirigeants et le salaire annuel moyen au Canada ? Plusieurs facteurs institutionnels et économiques entrent en ligne de compte. Pour commencer, la rémunération variable des dirigeants repose sur des critères jugés stratégiques : rentabilité, croissance, progression du cours de l’action sont les principaux jalons. Pour un président-chef de la direction, tout se joue sur la capacité à répondre à ces objectifs, tandis que la majorité des employés sont évalués sur des paramètres bien plus standards et prévisibles.
Un autre levier : la rareté du profil. Les membres des conseils d’administration soutiennent que le Canada doit rivaliser avec les marchés mondiaux, ce qui exige des offres capables d’attirer et de garder les cadres les plus recherchés. Les grands investisseurs institutionnels, quant à eux, privilégient la performance de leur capital et poussent à la hausse des primes, des stock-options et autres actions différées. Ce modèle, d’inspiration anglo-saxonne, s’est solidement ancré aussi bien au Canada qu’au Québec.
Enfin, la proximité au sein des conseils d’administration n’est pas sans poser question. Selon l’Observatoire québécois des inégalités et le Centre canadien de politiques alternatives, il existe une tendance à valider en cercle restreint des niveaux de rémunération élevés. Cette logique de groupe fermé, souvent critiquée, contribue à maintenir les rétributions très haut, alors même que l’écart avec la moyenne salariale ne cesse de se creuser.
Inégalités salariales : un débat qui divise la société canadienne
Le salaire des PDG agit désormais comme un marqueur fort du débat sur les inégalités salariales au Canada. À chaque présentation des rapports annuels de rémunération, la tension monte d’un cran. Certains actionnaires y voient le reflet d’une gestion efficace ; d’autres dénoncent une disparité indéfendable. Les syndicats et une part croissante de la population refusent de cautionner le statu quo. Le partage de la valeur s’invite ainsi hors des salles du conseil d’administration : il se discute publiquement, dans la rue, jusque dans les débats parlementaires à l’Assemblée nationale du Québec.
Les chiffres publiés par le Centre canadien de politiques alternatives ne laissent guère de place à l’ambiguïté : les dirigeants des entreprises les plus en vue touchent en moyenne plus de 200 fois le salaire annuel moyen d’un salarié. Ce déséquilibre alimente un malaise qui s’installe, relayé par l’Observatoire québécois des inégalités. Le Canada n’est pas une exception : des pays comme la France, le Royaume-Uni ou les États-Unis affichent des ratios comparables, mais la contestation, ici, prend une intensité particulière. La question taraude bien des esprits : comment expliquer de tels écarts ?
Le sujet s’étend aujourd’hui au-delà de la seule question de la rémunération des dirigeants. Il englobe la place des femmes dans les conseils d’administration, la diversité, l’inclusion et la redistribution des richesses via les dividendes. Beaucoup réclament d’ailleurs une transparence accrue sur les options d’achat d’actions, qui, bien souvent, restent opaques pour le grand public. D’autres insistent sur l’enjeu de conserver des sièges sociaux puissants au Québec, pour retenir tant les talents que la capacité de décision et d’innovation sur le territoire.
Cette controverse, parfois très vive, traduit une société en quête d’équilibre entre la recherche de performance, la volonté d’équité et les exigences de responsabilité collective.
Régulation des hauts revenus : quelles pistes pour un meilleur équilibre ?
Jamais la gouvernance des entreprises canadiennes n’a été autant passée au crible. Sous l’impulsion de François Dauphin, l’institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques avance plusieurs outils pour mieux encadrer la rémunération des hauts dirigeants. La transparence reste le pilier : publier dans le détail la composition du salaire PDG Canada, qu’il s’agisse de parts variables, d’actions, d’options ou de plus-values, permet un débat public plus solide et mieux informé.
Les autorités ne restent pas inactives. Face à une opinion lassée des excès, le gouvernement fédéral étudie de nouvelles mesures fiscales pour freiner l’amplification des écarts. Les discussions avancent sur la taxation des gains en capital et la réduction des avantages déductibles. Plusieurs observateurs, régulièrement cités par Radio-Canada, défendent une approche graduée plutôt qu’une politique de plafonnement abrupt.
Quelques leviers débattus
Voici les principales pistes actuellement mises sur la table pour rééquilibrer la rémunération des dirigeants :
- Intégrer des critères ESG (environnement, social, gouvernance) dans le calcul des bonus,
- Initier des politiques visant à renforcer la diversité et l’inclusion dans les conseils d’administration,
- Réviser les règles de vote des actionnaires en matière de rémunération.
L’institut gouvernance organisations met également l’accent sur l’influence croissante des investisseurs institutionnels, qui plaident pour des pratiques plus strictes et transparentes. Les méthodes de travail des conseils d’administration évoluent : désormais, chaque renouvellement de mandat implique de justifier les montants versés et de prendre en compte la performance extra-financière. Tout indique que le sujet n’a pas fini de faire bouger les lignes. La question reste ouverte : jusqu’où ira la société canadienne dans sa volonté de réinventer le partage de la richesse ?


